Individuel et collectif

Publié le par Christian Jacomino

Dans l'article Reading (activity) de la version anglaise de Wikipédia, je relève ces deux phrases:

Reading is typically an individual activity, although on occasion a person will read out loud for the benefit of other listeners. Reading aloud for one's own use, for better comprehension, is a form of intrapersonal communication.

La lecture fournit le modèle de l'activité individuelle. Si une activité individuelle existe, c'est celle de lecture. Nous exagèrerions à peine, sans doute, en affirmant que l'individu ne précède pas l'activité de lecture mais qu'il en est la conséquence. Qu'il résulte de l'invention de l'écriture alphabétique (qui suppose un sujet qui déchiffre) et, de façon plus radicale encore, de celle de l'imprimerie (qui permet que l'on soit propriétaire du livre que l'on lit, à tout le moins que l'on l'ait entre les mains). Et la lecture apparaît en même temps comme le modèle de l'activité collective. Intimement collective. Car on ne lit jamais seul. D'abord, bien sûr, parce qu'on ne lit jamais que ce qu'un autre (l'auteur) a écrit. Mais aussi parce qu'on ne lit jamais qu'après d'autres. Il faut une tradition pour le texte de l'auteur soit parvenu jusqu'à nous (sans quoi, ce ne serait pas un texte, tout juste un écrit, n'impliquant pas du tout le même type ni la même qualité de lecture). Et on ne lit jamais un texte (ce qu'on appelle 'lire') qu'en sachant que d'innombrables autres sont (ou peuvent être) occupés à le lire au même moment.

Expérience de l'Autre, donc, que la lecture la plus individuelle et plus intime. A trois niveaux:

(a) rencontre avec l'auteur (je ne comprends pas le texte sans inférer son intention);

(b) confrontation avec la tradition qui nous a livré le texte (transformant l'écrit en oeuvre qui justifierait qu'on la lise);

(c) subsumation des autres lecteurs actuels à travers moi.

Puis il existe un autre niveau (ou un autre angle) où la lecture apparaît comme une activité essentiellement collective. Ce n'est pas cette fois dans le rapport à l'Autre, mais parce qu'elle implique une sorte de dédoublement de la personnalité du lecteur entre l'instance qui déchiffre et celle qui comprend, ce que j'ai essayé de décrire avec mon S.A.D.E. et que la notice anglaise intitule très justement une intrapersonal communication.

Publié dans S.A.D.E.

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