Des chiffres à méditer

Publié le par Christian Jacomino

Il est important de lutter contre l'illettrisme. Il est tout aussi important de regarder le phénomène en face, plutôt que de manifester à son égard une sorte de peur ou de refus irrationnel. Une étude récente de l'Insee nous apprend qu'en France, 57% des personnes en situation d'illettrisme ont un emploi. On s'attendait à pire, non? Mais on note aussi que, parmi les personnes adultes en situation d'illettrisme, 8% utilisaient exclusivement le français à la maison quand ils avaient cinq ans, contre 20% qui utilisaient, outre le français, une langue étrangère ou régionale. (Pour plus de précisions, voir Netlex Blogs.)

Or est-il bien clair pour l'école que les difficultés qu'un enfant rencontre dans l'apprentissage de lecture sont déterminées, le plus souvent, par une maîtrise de la langue insuffisante à l'oral déjà?

Si c'était le cas, on ne se demanderait plus seulement, comme on fait aujourd'hui, quelle est la méthode la plus efficace pour l'apprentissage de la lecture. Mais aussi, et surtout, quelle est la pratique de lecture la mieux à même de développer les compétences linguistiques à l'oral. Et, dans ce cas, on ne douterait pas que c'est la lecture orale collective. Autrement dit, la pratique la plus traditionnelle, non seulement chez nous, en Europe, mais sur toute la planète.

Publié dans Tradition

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C
Françoise, Tu as raison, mais nos blogs dessinent un peu déjà l'utopie dont tu parles. Ils nous permettent de dialoguer de façon quotidienne. Et ils nous permettent d'exprimer certains opinions minoritaires dans notre milieu. L'histoire de mon apprenti boucher, où pourrions-nous la raconter ailleurs que sur un blog? Avant ça, nous étions réduits au silence.
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F
En ce domaine, je suis peut-être plus extrêmiste que toi. Je pense que l'Ecole ne s'intéresse ni aux enfants issus de l'immigration ni aux autres. L'Ecole ne s'intéresse à personne qu'à elle-même. Regarde le cas de ce garçon boucher, son cas est malheureusement un cas général, quelle que soit l'origine des enfants, et si certains s'en sortent ce n'est pas grâce à l'école. Même si personne n'a voulu l'entendre, l'école est un grand mammouth qui se déguise en éléphant par des formules ("l'enfant au centre de l'apprentissage" et blablabla); souvent d'ailleurs les idées sont bonnes, les programmes très corrects, les instructions intructives...Certains enseignants se défoncent et arrivent à des résultats en utilisant une énergie très disproportionnée pour lutter contre cet immobillisme. Je suis plus pessimiste que toi. Je pense qu'il n'y a pas de solution globale, je suis une espèce de janséniste de la pédagogie. Jamais l'Ecole ne renoncera à penser que l'on est mieux ailleurs qu'à l'école, ou alors on sera dans une utopie qui dépassera de beaucoup l'Education...Toutes les réussites restent individuelles, résultantes du hasard des rencontres et de la détermination de certains de ces personnages de rencontres...
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C
Françoise, Je ne considère pas les pratiques de lecture que l'on avait en classe dans les années 1950-60 comme des pratiques traditionnelles, même si elles l'étaient à l'échelle de l'histoire de l'école républicaine, et même si elles faisaient une place assez importante à l'oral. Le texte était dans ce contexte assez indifférent. On le lisait un jour pour ne plus jamais y revenir. On le murmurait, juste pour donner la preuve qu'on savait lire. <br /> Je suis bien d'accord avec toi sur l'importance de la personnalité du professeur, et sur le goût qu'il serait censé avoir pour la lecture. Mais il me semble que l'on n'apprendra pas le français aux enfants issus de l'immigration sans avoir décidé de le faire. Et j'ai le sentiment, hélas, que l'école n'a pas encore décidé de le faire.
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M
Une petite rectification: ce ne sont pas, d'après Netlex, 8% des illettrés, qui utilisaient exclusivement le français, etc. mais 8% de ceux qui utilisaient exclusivement le français qui se retrouvent illettrés, de même pour les 20% de ceux qui utilisaient une langue étrangère ou régionale. De façon générale, je ne sais pas comment comprendre ces chiffres: dit comme ça semble impliquer que l'utilisation d'une autre langue que le français à la maison a pour conséquence un risque plus grand d'illettrisme. Ce qui vient conforter les opposants à la scolarisation en langue régionale. Le tableau 2 dans l'article cité semble plutôt montrer à la fois un apprentissage initial dans un univers linguistique non francophone et une situation sociale défavorisée.
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F
Cependant, on peut noter d'après Netlex Blogs que la majorité des illettrés (53%) a au moins 46 ans. Ces gens là ont subi l'apprentissage de la lecture avec les méthodes traditionnelles.<br /> J'ai l'impression que l'on se focalise beaucoup trop sur les méthodes de lecture. Je crois beaucoup plus au facteur humain, aux capacités de l'enseignant à faire passer les contenus, à appréhender les difficultés de ses élèves. Bien sûr, certaines méthodes sont plus appropriées que d'autres, mais l'essentiel vient quand même de ce qui passe à travers. La meilleure méthode ne pourra pas aider les élèves d'un enseignant médiocre ou dépourvue d'empathie ou parfois simplement d'enthousiasme.
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