La vraie lecture

Publié le par Christian Jacomino

On a considéré que la seule vraie lecture était solitaire, visuelle et silencieuse. Or, ce n'est pas le cas. Des études historiques ont montré que la lecture silencieuse ne s'est nullement imposée comme un dépassement de la lecture orale. Des sujets possédant les compétences nécessaires à la lecture silencieuse ont continué de se livrer à la lecture orale par préférence, pour certains textes et en certaines occasions.
Il pouvait s'agir de lecture orale solitaire (murmurée) comme celle à laquelle se livrent les moines et les amateurs de poésie. Et il pouvait s'agir de lecture orale collective, quand des ouvriers faisaient la pause, sur le chantier, et que l'un d'eux dépliait le journal où ils attendaient tous avec impatience que leur soit livré le dernier épisode d'un roman feuilleton (les aventures de Sherlock Holmes en Grande-Bretagne, celles de Fantômas chez nous), ou comme l'on fait encore dans les temples, les mosquées et les synagogues.
Et il va de soi que la lecture orale incite à ne pas rester collé au texte. On improvise toujours un peu dans la lecture qu'on fait d'un conte pour un enfant. Il arrive même assez souvent qu'on se passe complètement du support visuel. On écarte le livre. On procède de mémoire.
Puis, dans les années 1990, la tradition s'est trouvée confirmée. Wesley Hoover et Philip Gough ont publié des travaux qui font apparaître la lecture comme une activité complexe combinant deux compétences (et deux activités) très distinctes: celle de déchiffrement de la forme écrite et celle de compréhension à l'oral.
Tout se passe comme si la lecture résultait de la coopération de deux acteurs, qui peuvent être réunis dans la même personne ou rester séparés. En quoi nous voyons que la lecture orale collective décalque la structure profonde de l'acte de lecture, dont elle constitue une forme archétypale.

Publié dans Tradition

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