Catherine Certitude

Publié le par Christian Jacomino

Début demain d'un nouvel atelier de type 'La balle au bond'. Il s'agira d'un atelier bilingue français-anglais. Il accueillera une dizaine d'enfants que j'ai hâte de découvrir. D'après leurs fiches d'inscription, ils sont d'âges très différents (9-14 ans) et tous, semble-t-il, d'un excellent niveau scolaire. Pour le corpus français, j'ai prévu Catherine Certitude de Modiano et Sempé.

Je ne sais pas ce que lui-même en dirait, mais quant à moi je considère Catherine Certitude comme l'une des réussites les plus inconstestables de Patrick Modiano. Or, cet ouvrage présente trois caractéristiques qui donnent à réfléchir.

Primo, nous sommes dans le domaine de la littérature de jeunesse. Je ne veux pas trop m'étendre aujourd'hui sur ce point, mais nous devons nous souvenir qu'il y a eu débat, en France, quand les programmes officiels de l'éducation nationale de 2002 sont parus, et plus particulièrement les textes d'accompagnement concernant l'enseignement du français, pour savoir si la littérature de jeunesse doit être regardée comme de la (vraie) littérature. Or, il me paraît urgent de se rendre à l'évidence que, non seulement les 'grands' textes destinés à l'enfance et la jeunesse font bien partie intégrante de notre patrimoine littéraire mais qu'en outre, parmi les chefs-d'oeuvre de la littérature romanesque, du moyen âge à nos jours, la proportion de textes destinés à l'enfance et la jeunesse est plus que significative (tendant à indiquer qu'il existe un rapport essentiel entre le roman comme genre littéraire, et l'enfance et l'adolescence comme âge de la vie).

Secondo, Catherine Certitude est un ouvrage écrit en collaboration. Tout se passe chez nous, en France, comme si l'unicité de l'auteur était une condition de sincérité, d'authenticité et, par suite, de qualité de l'oeuvre d'art. Or, il apparaît ici de toute évidence que ce n'est pas le cas. On ne trouvera rien de plus évidemment personnel, dans l'oeuvre de Modiano comme dans celle de Sempé, que ce petit roman. Dans les arts audiovisuels, l'oeuvre est ordinairement le produit d'un travail collectif, tandis que ce n'est pas le cas (encore) avec la littérature. On peut définir la littérature romanesque comme l'art qui se cramponne aujourd'hui encore à un mode de production individuelle en vue d'un mode de consommation tout aussi individuelle. Or, c'est peut-être cela précisément qui marque sa limite. D'ailleurs si le texte n'était pas publié, à savoir si plusieurs personnes déjà ne l'avaient pas lu avant moi, et n'avaient pas décidé de dépenser de l'argent pour l'éditer, dans l'immense majorité des cas, je m'abstiendrais de le lire.

Tertio, concernant Catherine Certitude, la collaboration de deux auteurs donne lieu à une oeuvre bi-dimensionnelle, écrite et dessinée. Et, dans ce cas, la collaboration est si étroite et si parfaite qu'on ne sait pas toujours si c'est le dessin qui illustre le texte ou l'inverse, ce qui rend particulièrement forte et évidente la distinction entre l'histoire (soit la diégèse de Genette), qui appartient indistinctement aux deux 'auteurs', et le récit qui se partage entre une partie écrite et une partie dessinée.

Ces trois caractéristiques que je note, je suis bien conscient que Catherine Certitude les partage avec d'innombrables autres ouvrages. Mais il me semble que nous atteignons dans ce cas une position limite. Car je ne vois pas qu'on publiera jamais le texte de Modiano sans les illustrations de Sempé. En même temps que je vois que l'ouvrage est d'abord paru en 'Folio Junior' (1988), c'est-à-dire dans une collection expressément destinée à la jeunesse, tandis que son éditeur (Gallimard) le propose à présent en 'Folio' (tout court) qui est une collection de 'vraie' littérature.

J'ajoute que nous ferons, à partir de demain, un usage nouveau, en tant qu'il sera collectif, d'un ouvrage d'un type nouveau - sorte de comédie musicale, à mi-chemin de Raymond Queneau et Leonard Bernstein, contenue dans un livre.

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Publié dans Lire en atelier

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J
Pour mieux connaître les droits des enfants ! <br />
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B
vous me donnez envie de le lire.<br /> A première vue, je trouve justes vos arguments.<br /> Enfin j'espère que cette session apportera ce que vous en espérez
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