Le discours du capitalisme
J'achète Le Monde chaque dimanche pour la chronique économique d'Eric Le Boucher. La plume est d'une finesse qui ne va pas sans rappeler certains "humoristes" comme Félix Fénéon ou Angelo Rinaldi. Son papier d'hier était particulièrement réussi. Il y parlait de la première mouture du projet socialiste pour les élections présidentielles. J'y relève:
Aucun domaine n'est oublié, du chômage à la lutte contre l'obésité, de "la relance massive de l'éducation artistique" à "la défense de la politique agricole commune", des banlieues aux prisons. L'idée générale est qu'il faut dépenser plus: plus de profs, plus de soignants, plus d'Etat. Il n'y a pas de souffrance qui résiste à des millions d'euros.
La dernière phrase (qui s'entend, bien sûr, par antiphrase) (faut-il que nous soyons dans un monde assez fou et assez corrompu qu'il soit nécessaire de le préciser!) m'a stupéfait en ce qu'elle dénonçait de façon remarquablement précise ce que Jacques Lacan a désigné comme le "discours du capitalisme". Car nul n'ignore plus aujourd'hui que J. Lacan dénonce le "discours du capitalisme". Mais contrairement à ce que nous laissent entendre des gens qui sont de sa maison, qui se réclament de son héritage, ce qu'il dénonce sous cette appellation, ce n'est sûrement pas la dureté d'un système économique fondé sur la liberté d'entreprendre et la recherche du profit - soit le capitalisme lui-même. Mais, bien plutôt, le discours d'état qui encourage chacun à se plaindre de n'en avoir jamais assez. Le discours qui fonde la sempiternelle revendication à laquelle l'état lui-même, grâce à l'argent qu'il prélève et aux subentions qu'il distribue, serait seul en mesure de répondre. Ainsi, J. Lacan déclare-t-il (dans son Séminaire, Le savoir du psychanalyste, p. 39):