L'écriture et la langue

Publié le par Christian Jacomino

Roland Goigoux et Sylvie Cèbe publient chez Retz un livre intitulé Apprendre à lire à l'école. Tout ce qu'il faut savoir pour accompagner l'enfant. Le Monde de l'éducation en proposait des extraits, sous forme d'un fascicule accompagnant son édition de septembre. On peut y lire:

"Tirant parti du caractère alphabétique de notre langue, le lecteur peut essayer de convertir le mot écrit en mot oral: s'il sait parler la langue qu'il lit, il y a de fortes chances qu'il en saisisse le sens. Encore faut-il qu'il ne s'agisse pas d'un terme rare."

Et, quelques lignes plus loin, les auteurs ajoutent:

"Déchiffrer ne suffit donc pas si l'on ne possède pas, en mémoire, une signification associée à l'image acoustique du mot" (p. 11). 

On voit, avec cette citation, combien la position des auteurs est mesurée. Tellement mesurée, même, qu'elle me paraît faire trop de concession encore au modèle dit 'syllabique' (selon lequel il s'agirait de procéder des parties vers le tout).

En effet, les auteurs semblent dire qu'on peut (toujours) déchiffrer encore qu'ensuite il resterait à comprendre. Or, ce n'est pas toujours vrai.

Si je ne connais pas, en français, le mot 'femme' ou le mot 'monsieur', non seulement je ne les comprendrai pas quand je les aurai déchiffrés, mais il me sera impossible même de les déchiffrer. 

Goigoux et Cèbe citent d'ailleurs, à la page suivante, la circulaire du 3 janvier 2006 qui rappelle que l'enfant doit apprendre

"à assembler des lettres pour constituer des syllabes prononçables puis des mots qu'il rapprochera de ceux dont il a déjà une image auditive en mémoire".

Autrement dit, aucun modèle cognitiviste ne fera qu'on puisse apprendre à lire une langue que l'on ne maîtrise pas à l'oral. Ou, pour le dire autrement, un enfant apprend à lire dans la mesure seulement où il maîtrise la langue à l'oral déjà. Ce qui revient à dire encore que la bonne méthode d'apprentissage de la lecture est celle qui favorise le mieux le renforcement des compétences linguistiques à l'oral. Ou encore qu'en aucune manière, à aucun instant, on ne peut détacher l'écriture de la langue même qu'elle encode.

Ce dont l'apprentissage de la lecture a eu à souffrir c'est moins de la méthode globale par elle-même que d'une sorte de passion coupable que l'école manifeste à l'égard de des activités d'écriture.

Tout se passe comme si certains tenants de la méthode globale avaient voulu qu'on apprenne à lire en silence une 'autre langue' (i.e. la prétendue 'langue écrite') qui aurait été essentiellement silencieuse (ce qui revenait à ne plus trop se préocuper d'une langue orale dans la maîtrise de laquelle les inégalités sociales sont trop vertigineuses). Mais hélas tout se passe comme si certains tenants de la méthode syllabique pensaient encore de même.

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Publié dans Lire en atelier

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B
feriez vous partie de ces gens qui ont contribué à ce que ces pauvres tenants de la méthode syllabique aient été cruellement brimés depuis des années. <br /> qiand y aura-t-il un ministre de l'éducation nationale qui n'ait pas envie de tout chambouller pour marquer sa marque ? au lieu de tenter de résoudre le problèle de vos billet suivant
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