L'ordre des langues

Publié le par Christian Jacomino

Le Ma Nolan's Irish pub (au 2, rue Saint François-de-Paule) est en ce moment l'un des endroits les plus à la mode et les plus agréables de Nice. Nous y étions mardi soir, A. et moi, en terrasse, le ciel s'était couvert, il y avait du vent et on attendait la pluie. J'écoutais ces voix anglaises autour de nous, je ne comprenais qu'une petite partie de ce qu'elles disaient, comme Jacques Roubaud raconte qu'il fait quand il se trouve à Londres. Et je songeais à lui. (En réalité, JR règle plutôt la distance, selon qu'il veut comprendre ou rester étranger, ce qui n'est pas mon cas.) Je me disais que pour comprendre un peu, il faut surtout ne pas se raidir mais rester flottant, se laisser entraîner lentement, dériver en quelque sorte de manière un peu passive. Une forme d'acceptation. Celle de l'ordre d'une langue. De la même manière que doivent faire les enfants. Acceptation de ce qui est une loi (un ordre symbolique) en même temps qu'une réalité la plus matérielle et la plus immédiate.

Philippe Lacadée insiste sur ce point dans sa lecture de Lacan: que, contrairement à ce qui se dit le plus souvent, la Loi (répressive, castratrice) n'est pas du tout une invention du père. Ce n'est pas lui d'abord qui l'impose à l'enfant. L'enfant la rencontre d'abord dans son expérience personnelle du langage. Pour comprendre et se faire comprendre, il doit entrer dans cet ordre, se laisser porter par lui. Le rôle du père peut consister à montrer quelque exigence sur ce point ('Ne fais pas le bébé... je ne comprends pas bien ce que tu dis, parle correctement'). Mais il consiste aussi bien, et peut-être surtout, à faire lui-même des jeux de mots, des calembours, des plaisanteries. Par quoi il montre qu'il est possible, une fois qu'on en a accepté le principe, de composer avec cette loi. De s'amuser un peu. De s'y faire une place.

Publié dans Etudes spirituelles

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D
la loi selon Lacan il me semble qu'ell s'énonce comme l'interdit d'inceste. Non que l'inceste soit réellement mauvais ou répréhensible mais parce qu'il faut une loi pour permettre la société ; et du même coup le langage qui n'est possible que sil'autre existe
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B
joli le rôle du père dans le jeu avec les mots, même de façon limitée - j'adhère
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