L'effet-auteur
Je trouve sur le site de Quentin-Débat (Le Café-Débat de Saint Quentin en Yvelines), un article daté du 01 octobre 2004, intitulé Toutes les cultures se valent-elles? dans lequel je prélève ceci: Au moment où s'ouvre le musée du Quai Branly, cette question de la valeur respective des cultures n'a plus aucun sens. La distinction entre culture anthropologique et culture savante revêt au contraire une importance décisive. Nous pouvons même penser que le principal profit que nous avons à attendre de l'ouverture du musée des arts premiers tient à ce qu'elle nous obligera à reconsidérer cette distinction. Je pourchasse pour ma part dans la problématique de l'auteur (qui scelle notre rapport à la littérature et l'art) ce qui fonde (ou justifie) la distinction radicale que nous faisons en Occident entre la culture anthropologique et la culture savante. Je ne prétends pas que cette distinction ne serait pas fondée, autrement dit qu'il n'existe pas un effet-auteur. Je suggère simplement ceci (qui me semble relever du bon sens): (a) qu'il n'y a jamais rupture entre culture anthropologique et culture savante, autrement dit que le travail de l'auteur s'ancre dans la culture de son temps, non pas seulement du point de vue subjectif qui concerne la sensibilité de l'homme, mais d'abord et surtout du point de vue objectif qui concerne le langage employé et les moyens matériels mis en oeuvre; (b) que ce qui est commun à une société (sa sensibilité, sa technologie, son ambiance intellectuelle) n'est pas moins précieux (ne mérite pas moins d'être admiré, me mérite pas moins notre 'gratitude' comme auraient dit aussi bien F. Ponge que Glenn Gould, mes deux calvinistes de référence) que ce qui relève de la singularité d'un auteur; (c) qu'on ne comprend jamais aussi bien un grand artiste qu'au moment où l'on perçoit avec le plus de clarté de quelle manière il s'ancre dans la culture anthropologique de son temps. Marcel Proust écrit (dans A l'ombre des jeunes filles en fleurs, volume 1, p. 455 du premier volume de la Recherche dans mon ancienne édition de la Pléiade (celle de 1954)): En France on fait le reproche à cette position que je défends d'être trop marxiste (populiste), ce que j'assume. Le reproche vient de personnes qui sortent diplômées des meilleures universités (de préférence de l'ENS) et qui s'affirment de gauche. Leur position me paraît plutôt nietzschéenne.