L'effet-auteur

Publié le par Christian Jacomino

Je trouve sur le site de Quentin-Débat (Le Café-Débat de Saint Quentin en Yvelines), un article daté du 01 octobre 2004, intitulé Toutes les cultures se valent-elles? dans lequel je prélève ceci:

La culture des individus cultivés n’est pas une culture anthropologique ; c’est une culture d’élite qui transcende les frontières nationales mais aussi les cultures au sens anthropologique. Toujours est-il que, en sens inverse, face à la culture des élites individualistes et dans le regard de ces élites, la culture partagée, la culture au sens anthropologique, prend la forme d’un folklore, d’une tradition attachante au demeurant mais socialement connotée – c’est la culture des gens sans culture.

Au moment où s'ouvre le musée du Quai Branly, cette question de la valeur respective des cultures n'a plus aucun sens. La distinction entre culture anthropologique et culture savante revêt au contraire une importance décisive. Nous pouvons même penser que le principal profit que nous avons à attendre de l'ouverture du musée des arts premiers tient à ce qu'elle nous obligera à reconsidérer cette distinction. Je pourchasse pour ma part dans la problématique de l'auteur (qui scelle notre rapport à la littérature et l'art) ce qui fonde (ou justifie) la distinction radicale que nous faisons en Occident entre la culture anthropologique et la culture savante. Je ne prétends pas que cette distinction ne serait pas fondée, autrement dit qu'il n'existe pas un effet-auteur. Je suggère simplement ceci (qui me semble relever du bon sens):

(a) qu'il n'y a jamais rupture entre culture anthropologique et culture savante, autrement dit que le travail de l'auteur s'ancre dans la culture de son temps, non pas seulement du point de vue subjectif qui concerne la sensibilité de l'homme, mais d'abord et surtout du point de vue objectif qui concerne le langage employé et les moyens matériels mis en oeuvre;

(b) que ce qui est commun à une société (sa sensibilité, sa technologie, son ambiance intellectuelle) n'est pas moins précieux (ne mérite pas moins d'être admiré, me mérite pas moins notre 'gratitude' comme auraient dit aussi bien F. Ponge que Glenn Gould, mes deux calvinistes de référence) que ce qui relève de la singularité d'un auteur;

(c) qu'on ne comprend jamais aussi bien un grand artiste qu'au moment où l'on perçoit avec le plus de clarté de quelle manière il s'ancre dans la culture anthropologique de son temps.

Marcel Proust écrit (dans A l'ombre des jeunes filles en fleurs, volume 1, p. 455 du premier volume de la Recherche dans mon ancienne édition de la Pléiade (celle de 1954)):

Tout ce qui est d'un même temps se ressemble; les artistes qui illustrent les poèmes d'une époque sont les mêmes que font travailler pour elles les Sociétés financières. Et rien ne fait mieux penser à certaines livraisons de Notre-Dame de Paris et d'oeuvres de Gérard de Nerval, telles qu'elles étaient accrochées à la devanture de l'épicerie de Combray, que, sur son encadrement rectangulaire et fleuri que supportaient des divinités fluviales, une action nominative de la Compagnie des Eaux. 

En France on fait le reproche à cette position que je défends d'être trop marxiste (populiste), ce que j'assume. Le reproche vient de personnes qui sortent diplômées des meilleures universités (de préférence de l'ENS) et qui s'affirment de gauche. Leur position me paraît plutôt nietzschéenne.

Publié dans Libéralisme

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B
désolée, j'ai l'air bien critique, alors que je voulais vous remercier de vos mots, et que j'admire ce que je comprends de votre action
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B
attention au Quai Branly - il s'agit de consommer l'oeuvre des autres civilisations, dans un mélange qui parait louable, si ce n'est qu'il coupe du désir de les conaître. Du temps du Musée de l'homme il s'agissait de les comprendre et en fait de prédation d'apprendre à ceux qui le voulaient desdites civilisations de se l'approprier
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