Oui, du nouveau
[J'interviens de nouveau à la suite de L'invitation: Rebollar contre Berlol publiée chez François Bon.]
Oui, Fabienne, c'est bien quelque chose comme cela que j'essaie d'indiquer. La scène littéraire a complètement changé depuis l'écroulement du communisme et l'apparition d'Internet. Personne n'attend plus aujourd'hui que les auteurs se conduisent comme les prophètes, ou les 'intellectuels', dont la mission consistait naguère à dire le vrai sur le monde, de façon toujours un peu paradoxale, il fallait bien se vendre, et à éclairer la voie du peuple vers le fascisme ou le communisme. Personne aujourd'hui n'a plus envie de croire. La littérature n'est plus ni ne sera plus la religion de ceux qui n'ont pas de religion. Nous formons aujourd'hui un peuple de lecteurs connectés en temps réel, oui, quelque chose comme ce que Deleuze et Guattari appelaient un Rhizome, et nous forgeons ensemble, de manière hautement anonyme et démocratique, non seulement l'opinion mais le goût de notre temps. Et bien sûr que certains voient la chose d'un mauvais oeil, ceux qui visaient à devenir calife à la place du calife (je veux dire grosso modo à la place de Sartre et Beauvoir, dont on tient absolument à nous expliquer qu'ils ont été les plus grands intellectuels du 20e siècle), ou pouquoi pas encore à la place de Céline? On en trouve beaucoup que Sartre et Céline ne dégoûtent pas, et qui se verraient bien prendre leurs places (un peu d'Occupation arrangerait leurs affaires, raison pour laquelle ils ne cessent de guetter et secrètement espérer la prétendue 'montée de Le Pen'). Tandis que d'autres, déjà, comme François Bon remplissent un rôle tout à fait différent, à la fois de pédagogues et de performers, de 'suscitateurs' aurait dit Francis Ponge. Un rôle démocratique. Mais pourquoi tout cela est-il si difficile à dire?