Le parti pris de Balzac

Quelle est la signification de La Maison du chat-qui-pelote (1829)? L’ami qui, chaque année, au jour solennel du 2 novembre, va visiter la tombe de la malheureuse Augustine de Sommervieux, morte à l’âge de vingt-sept ans, se demande, nous dit-on, "s’il ne faut pas des femmes plus fortes que ne l’était Augustine pour les puissantes étreintes du génie" (La Comédie humaine, éd. P.-G. Castex, vol. 1, 1976, p. 93). Et sans doute pouvons-nous penser que cet ami de la "timide créature" n’est autre que le narrateur lui-même. Mais celui-ci exprime-t-il l’intention de l’auteur?

Augustine se trouve déchirée entre sa famille de riches et honnêtes drapiers et l’artiste qu’elle épouse. Et il semble aller de soi que la préférence personnelle de Balzac aille au second plutôt qu’aux premiers. Mais cela est-il bien sûr?

Balzac est lui-même un artiste. Le récit ne conteste à aucun moment que le peintre Théodore de Sommervieux soit un "être supérieur". Il avoue et souligne, en revanche, les goûts médiocres des Guillaume (les marchands). Même une fois que Théodore l’a rendue malheureuse, Augustine ne tente pas de soulager son cœur auprès de ses parents sans sentir toute l’impossibilité qu’il y a "à faire bien juger les hommes supérieurs par des esprits faibles" (p. 84). Mais quand celle-ci déclare : "Ma chère mère, vous jugez trop sévèrement les gens supérieurs. S’ils avaient des idées semblables à celles des autres, ce ne seraient plus des gens de talent", elle se voit répondre : "Eh bien ! que les gens à talent restent chez eux et ne se marient pas. Comment ! un homme à talent rendra sa femme malheureuse ! et parce qu’il a du talent, ce sera bien ?" (p. 82-83). En quoi j'ai le sentiment que s’exprime l’opinion personnelle de Balzac.

Mon interprétation est la suivante: s’il y a bien conflit romantique entre le monde et l’art, le romancier Balzac prend le parti du monde plutôt que celui de l’art. Et celà, non seulement dans ce court roman, mais dans l'ensemble de son oeuvre.